Le New York Times à l'heure du numérique: entre renouveau et fragilité
Le « plus grand journal du monde » a connu en 2011 de grands changements. A l'heure du tout numérique et du déclin des journaux papier, ce mastodonte de la presse américaine doit à la fois s'adapter aux bouleversements médiatiques sans perdre son image de prestige. Une politique à hauts risques, parfois hésitante, mais qui porte ses fruits.
D'hésitations en mutations radicales
Plusieurs fois menacé de rachat (entre autres, par l'Empire Murdoch) comme nombre de ses semblables, le New York Times a survécu quand d'autres journaux américains coulaient. Et il y avait de quoi s'inquiéter: perte de recettes publicitaires, recul des ventes en kiosques, concurrence du Web et des journaux gratuits (nombreux à New York). Dès 2009, les plus pessimistes prévoyaient la mort du Times pour les trois ou quatre années à venir. C'était sans compter sur une opération de sauvetage sans précédent. Outre l'augmentation du prix du numéro (passant de 1 à 2 dollars), une politique drastique de réduction des coûts et des mesures d'austérité sévères (licenciement d'une centaine de journalistes entre autres) ont permis qu'en 2011, le quotidien était bénéficiaire. Des sacrifices qui ne s'arrêtent pas là: en janvier 2009, pour la première fois de son histoire, un encart de publicité se trouvait sur la Une du journal (qui se voulait traditionnellement réservée aux informations strictes).
Le journal le plus lu des États-Unis semble, pour autant, se permettre de tels bouleversements. Image de marque oblige, il a des lecteurs fidèles attachés à leur quotidien.
En mars 2011, le journal s'est doté d'une édition en ligne payante. Une décision majeure et indispensable, qui a séduit les lecteurs: et pour cause, fin décembre, ils étaient 390 000 abonnés à la version numérique. Auparavant, le Times avait tenté de faire payer certains de ses articles: un échec cuisant, qui avait aboutit à un revirement des éditeurs. Après maints désaccords au sein même de la rédaction, les journalistes ont alors proposé un abonnement payant... et le succès a été au rendez-vous. La formule: entre 15 et 30$ pour l’accès illimité selon le nombre de supports choisis (ordinateur, tablette ou téléphone), et vingt articles gratuits par mois.
Des transformations dans l'équipe ont achevé de donner un nouveau visage au pilier New York Times.
Un nouveau staff pour un nouveau marché
Nommée à la tête de la rédaction en 2011, Jill Abramson est la première femme à diriger le journal. Journaliste de renom, elle est décrite comme compétente et intangible. A 58 ans, le numérique et les nouvelles technologies ne lui font pas peur.
Depuis son arrivée, de nombreux correspondants à l'étranger ont été nommés et la réputation sérieuse et fiable du journal n'a pas été entachée. Le Times, c'est près de 1300 journalistes, des bureaux sur tous les continents, des spécialistes. Toujours en activité, les journalistes ne sont pas souvent au bureau du 620 West, 8e avenue. Comme si le journalisme ne s'arrêtait jamais, il continue à la maison, avec des amis, pendant un repas.
Toujours en 2011, les dirigeants ont mis en place un bureau d'études des innovations et du numérique, et tentent de comprendre et améliorer les rapports de la rédaction aux lecteurs via le numérique. Le président du groupe, Arthur Sulzberger, déclare notamment vouloir « continuer à construire [notre] base d'abonnés en ligne et à développer de nouveaux flux marchants ».
Un avenir (presque) optimiste
Il s'écoule toujours, quotidiennement, près d'un million d'exemplaires, et le site du New York Times est le plus fréquenté du monde, avec 44,5 millions de visiteurs uniques en décembre. Les ventes, grâce au progrès numérique, ont augmenté de 1,1%.
Beaucoup de lecteurs et spécialistes croient à l'avenir du New York Times. Suprématie du quotidien oblige, il est toujours le journal américain le plus lu à l'étranger. Lauréat de plusieurs prix Pulitzer, il est jugé comme fiable et jouit d'une image de marque dans tous les États-Unis.
La qualité de ses articles, ses enquêtes poussées, ses informations toujours vérifiées, ainsi que sa présence à l'international (il est le seul quotidien américain à posséder un bureau en Irak) n'ont pas faibli devant le monstre internet. Au contraire, cela a permis de redresser la barre et de poser les enjeux d'une nouvelle ère de l'information.
Malgré les crises qui ont marqué son histoire, (notamment le scandale de l'Irak et des armes de destruction massive, une information fausse relayée et mise en avant par le Times), il est le seul qui conserve une forme de crédibilité et sert de référence aux Américains. Les sujets de conversation, le matin, commencent avec le New York Times. Ainsi l'annonce son slogan: « Where the conversation begins ». Nombreux sont ceux qui lisent, durant un long trajet de métro, les nouvelles sur leur Ipad ou Iphone. Et il y a quelques années encore, on disait d'une news que si elle n'était pas dans le Times, ce n'était pas de l'information.
Alors qu'on s'informe sur Ipad, tablette, Smartphone, ou bon vieux broadsheet qui laisse des tâches d'encre sur les doigts, l'important n'est-il pas la qualité de l'information? Si tel est le cas, pari réussi pour le Times. Affaire à suivre.
Documentaire: Page one, a year inside the New York Times (trailer)
Page One A Year Inside the New York Times Official Movie Trailer HD 2011
Sources: OWNI, Le Figaro, Le Monde Magazine, Wikipédia, New York Times
Pour aller plus loin dans le dossier sur la presse américaine:
Les journaux Nord Américains à l'agonie?
Abandon du papier pour le tout numérique: le pari de La Presse
Internet et le LA Times : Fin de partie ou Mi-temps du match?